Echec des négociations pour un Traité mondial sur la pollution plastique à Genève
ENVIRONNEMENT


La dernière session des négociations programmée du 04 au 14 août 2025 à Genève pour adopter un Traité international juridiquement contraignant sur la pollution plastique n’a pas permis aux négociateurs de se mettre d’accord sur un texte consensuel.
Les négociations sont de ce fait suspendues en attendant que le Secrétariat ensemble avec les Etats trouvent un nouveau souffle.
La pollution plastique : Une évidence
La pollution par les produits plastiques constitue aujourd’hui l’un des grandes menaces sur la santé humaine, animale environnementale et marine. Les études scientifiques ne cessent de démontrer cette évidence.
C’est pour contrer ce danger qu’en 2022 les chefs d'Etat, les Ministres de l’environnement et les représentants des Nations Unies ont approuvé une résolution historique visant à mettre un terme à la pollution plastique et à élaborer un instrument juridique contraignant d’ici 2024.
La résolution porte sur le cycle de vie des plastiques.
L’Assemblée des Nations Unies a établi un Comité international de négociation (INC) et a chargé le PNUE d’organiser des consultations ouvertes de 2022 à 2024.
En 2024 les résultats des travaux étaient à soumettre aux Etats pour adoption lors d’une conférence diplomatique.
La première session (INC-1) a eu lieu du 28 novembre au 2 décembre 2022 à Punta Del Este en Uruguay.
L’enthousiasme qu’elle a suscité est vite retombé à la deuxième session (INC-2) en juin 2023 en France où deux positions diamétralement opposées sont vite apparues.
Après un intermède lors de la troisième session (INC-3) en novembre 2023 au Kenya où les pays ont semblé mettre un peu d’eau dans leur vin, les divergences d’intérêts se sont durcies au cours de la quatrième session (INC-4) en avril 2024 au Canada.
Dès lors, le temps presse. Les négociations piétinent et la cinquième session (INC-5) à Busan en décembre 2024, délai pour délivrer le Traité a été un fiasco.
Busan a été finalement placé sous le signe d’INC-5.1 et le Secrétariat est appelé à agender une session finale, INC-5.2 à Genève qui doit être la ligne rouge à ne pas franchir.
Ce matin du 15.08.2025, l’INC-5.2 a provoqué « un chaos… une déception…une confusion totale » de l’avis de plusieurs participants et sur fond d’un texte révisé qualifié de « peu ambitieux ».
Ce texte alternatif est proposé à la veille de la clôture des négociations et comporte davantage de points à discuter que le précédent.
Après un premier ajournement de la plénière de clôture prévue le 14 août 2025 à 21h30 GMT, cette dernière a finalement eu lieu le lendemain à 3h30 GMT et a confirmé l’échec des négociations.
L’espoir suscité en 2022 par l’adoption par les Ministres de l’environnement et les représentants des Nations Unies d’une résolution historique visant à mettre un terme à la pollution plastique et à élaborer un instrument juridiquement contraignant d’ici 2024 est ainsi douché à Genève.
Le blocage
Le mandat donné aux négociateurs par les premiers représentants des peuples du monde est d’élaborer un Traité qui tient compte de tout le cycle de vie des plastiques, dès sa production, en passant par sa consommation et en finissant par son recyclage et son élimination totale.
À cet effet, le texte final doit nécessairement inclure notamment la réduction de la production mondiale des produits plastiques, l’élimination des substances toxiques dans la production, la mise de l’accent sur le recyclage des déchets existants et le développement des produits alternatifs, sains, durables et biodégradables.
C’est justement la réduction de la production mondiale qui constitue fondamentalement le point de blocage.
En effet, les grands producteurs de produits plastiques optent pour le recyclable alors que les scientifiques et la majorité des Etats ciblent principalement une réduction drastique.
Depuis la troisième session, le consensus est difficile à trouver entre les deux groupes.
L’échec du consensus dans les négociations multilatérales
Tirant l’expérience de l’échec des négociations antérieures notamment sur les changements climatiques et aussi des difficultés à appliquer certains textes des Nations Unies, Co-habiter, membre de l’Alliance Pan-Africaine Multi-Acteurs sur la pollution plastique a proposé dès le début des négociations, la stratégie du consensus qui tient compte des intérêts de tous les Etats.
Cette démarche est adoptée par les négociateurs de sorte que « consensus » est devenu le maître mot des négociations sur le Traité.
Mais très vite, il est apparu que le consensus est devenu un cheval de Troie de certains pays qui s'en servent pour bloquer les points qui ne semblent pas aller en leur faveur au lieu de chercher à trouver le juste milieu.
Le blocage des négociations montre ainsi l’échec du consensus comme stratégie majeure dans les négociations multilatérales.
La suite des négociations
La suite des négociations pour arriver à un Traité ambitieux est tracée par l’Ouganda et le Ghana qui proposent une nouvelle session.
Le Secrétariat lors de sa conférence de presse au petit matin du 15 août 2025 informe pour sa part qu’il fera un rapport aux Etats et il appartient à ces derniers de décider de l’avenir des négociations.
Dans tous les cas, les négociateurs, les ONGs, les scientifiques et tous les autres parties prenantes reconnaissent l’urgence d’établir une règle mondiale juridiquement contraignante afin de vaincre la pandémie de la pollution plastique.
Pour arriver néanmoins à un tel Accord, une autre stratégie notamment le vote doit seconder celle du consensus.
À chaque fois qu’un point devient conflictuel, les négociateurs auront alors la possibilité de voter de manière démocratique. Le résultat sera appliqué à tous les pays et des mécanismes de contrôle rigoureux d'application seront clairement définis.
Et l’Afrique dans les négociations ?
Le Groupe africain agit tout au long du processus en bloc solide et tient des positions fortes pour parvenir à un Traité ambitieux.
Dans la mesure où l'Afrique se classe d'un côté parmi les pays les moins producteurs des produits plastiques et est, de l'autre, dépotoir des déchets plastiques, il lui revient de continuer à agir en amont pour ainsi éviter la migration de la pollution plastique vers son continent.
Le Kenya et le Rwanda par exemple sont en train de montrer la voie appropriée et les autres pays ont beaucoup à gagner pour leur santé humaine, environnementale, animale et marine en copiant cette bonne pratique.
Les autres parties prenantes notamment les ONG et les entreprises de recyclage doivent continuer à soutenir les Etats africains dans le relèvement de ce défi.
Les scientifiques africains doivent prendre la situation à bras le corps et inventer des nouveaux produits alternatifs, sains, durables et biodégradables.
Les connaissances traditionnelles d’utilisation des produits alternatifs doivent nécessairement être remises à jour.
Par-dessus tout, la société africaine doit commencer par boycotter la consommation des produits plastiques chimiques dangereux. Car, sans consommation des produits plastiques, il n’y a pas de production et donc de pollution plastique.